Valeurs et objectifs du Conseil scientifique de l’éducation nationale

Texte rédigé par l’ensemble des membres du Conseil scientifique de l’éducation nationale

Paris, le 27 juin 2024

Au sein du Conseil scientifique de l’éducation nationale (CSEN), nous sommes une trentaine d’universitaires, chercheuses et chercheurs de tous domaines à avoir accepté avec enthousiasme de mettre nos connaissances au service des élèves, des enseignantes et enseignants, et des cadres de l'éducation nationale.

Pourquoi avons-nous choisi de nous engager, bénévolement, dans un travail exigeant, de longue haleine, et exposé à la critique ?

Parce que nous partageons un ensemble de valeurs. Nous croyons à l’épanouissement de chaque enfant, d’où qu’il vienne. Nous connaissons l’importance de l’éducation dès le plus jeune âge. Nous croyons dans le potentiel de chaque enfant, quels que soient son genre, sa langue, ses origines, le niveau social ou économique de sa famille, en situation de handicap ou non. Rejetant xénophobie, racisme et toutes formes d’exclusion scolaire, nous affirmons le droit à l’éducation pour tous, inscrit dans la constitution. Nous respectons la diversité des trajectoires scolaires, mais savons que les rêves des élèves sont parfois bridés par les difficultés qu’ils rencontrent dans le système scolaire. Nous sommes préoccupés par l’impact considérable des inégalités sociales sur la réussite scolaire des élèves. Des solutions existent pour favoriser leur réussite, leur bien-être, et leur bien-vivre dans une société mixte et apaisée, et nous travaillons pour qu’elles soient évaluées, diffusées et mises en œuvre à l’échelle de notre pays.

En étant résolument du côté des élèves, nous sommes tout autant du côté des enseignantes et des enseignants. Dans l’accomplissement de leur mission si belle et si difficile, nous savons que, par rapport à beaucoup d’autres pays, les enseignants français sont moins bien rémunérés, plus isolés et bénéficient moins souvent de formations de qualité au cours de leur carrière. Avec l’appui de nos connaissances scientifiques, nous tentons de leur apporter des outils en lien avec leurs pratiques, et de les aider à expérimenter et à évaluer leurs actions.

Nous croyons aussi en la science. Nos propres recherches et celles de centaines de laboratoires dans le monde montrent que les apports de la science peuvent aider à réduire les inégalités scolaires. L’analyse scientifique fondée sur les données probantes, l’expérimentation rigoureuse et la comparaison internationale sont autant de leviers qui doivent être mis au service des élèves et de leurs enseignants. Menée avec intégrité et patience, appuyée sur des sources vérifiables, la recherche scientifique peut éclairer les décisions publiques. Elle sait également dire ce qu’elle ne sait pas, avec humilité, et lorsque c’est le cas, attendre des décideurs qu’ils admettent la part du doute et soutiennent de nouvelles recherches avant d’engager notre pays dans une direction dont toute une génération pourrait pâtir.

Puisque ces valeurs sont aujourd’hui menacées, notre société a plus que jamais besoin de science et de faits. Lorsque les idéologies envahissent les esprits, les scientifiques ont le devoir de s’engager pour appeler à la prise en compte de la réalité et des faits.

Nous sommes donc résolus à ne pas abandonner l'école de la République. C’est pourquoi nous, membres du Conseil scientifique de l’éducation nationale, nous engageons à poursuivre en toute indépendance notre action en faveur des élèves, des enseignants et des cadres de l’éducation nationale. Nous le ferons avec l’aide de tous ceux qui partagent ces valeurs – mais aussi résolument contre toutes les idéologies qui les piétinent.

Tous les textes et les recommandations émises par le CSEN sont disponibles gratuitement sur reseau-canope.fr/conseil-scientifique-de-leducation-nationale.

Signataires :

Les membres du CSEN : Philippe Aghion, professeur d’économie au Collège de France et à l’INSEAD ; Pascal Bressoux, professeur de sciences de l’éducation à l’université Grenoble Alpes ; Gérald Bronner, professeur de sociologie à Sorbonne Université ; Anne Christophe, directrice de recherche au CNRS et directrice du Laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique à l’Ecole normale supérieure ; Nuno Crato, professeur de mathématiques et statistiques à l’université de Lisbonne (Portugal) ; Jérôme Deauvieau, professeur de sociologie à l’École normale supérieure ; Stanislas Dehaene, professeur de psychologie cognitive expérimentale au Collège de France et président du CSEN ; Ghislaine Dehaene-Lambertz, directrice de recherche au CNRS et directrice du laboratoire d'imagerie cérébrale du développement à NeuroSpin ; Marc Demeuse, professeur à la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation à l’université de Mons (Belgique) ; Rodolphe Durand, professeur de stratégie et théorie des organisations, directeur académique de l'Institut Society and Organizations à HEC-Paris ; Éric Guilyardi, directeur de recherches au CNRS, membre du Laboratoire d'océanographie et du climat à l'Institut Pierre-Simon Laplace et président de l'Office for Climate Education ; Marc Gurgand, directeur de recherche au CNRS et professeur d’économie à l’École d’économie de Paris et à l’École normale supérieure ; Pascal Huguet, directeur de recherche au CNRS et directeur du Laboratoire de psychologie sociale et cognitive de l’université Clermont-Auvergne ; Caroline Huron, psychiatre, chargée de recherche à l’Inserm et membre du Learning Planet Institute ; Stéphanie Mazza, professeure de neuropsychologie à l’INSPE de l’université de Lyon 1 ; Monica Neagoy, docteure en didactique des mathématiques, auteure, consultante et formatrice internationale en mathématiques ; Elena Pasquinelli, philosophe des sciences cognitives et responsable de la recherche et de l’évaluation à la Fondation La main à la pâte ; Joëlle Proust, philosophe, directrice de recherche émérite au CNRS et membre de l’Institut Jean-Nicod à l’Ecole normale supérieure ; Franck Ramus, directeur de recherche au CNRS et membre du Département d’Études Cognitives de l’École normale supérieure ; Luc Ria, professeur de sciences de l'éducation et de la formation et directeur de l'Institut français de l'éducation de Lyon ; Emmanuel Sander, professeur à la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation à l'université de Genève (Suisse) ; Elizabeth Spelke, professeur de psychologie à l’université Harvard (Etats-Unis) ; Liliane Sprenger-Charolles, directrice de recherche émérite au CNRS, linguiste et psycholinguiste au centre de recherche en psychologue et neurosciences à Aix-Marseille université ; Camille Terrier, professeur d’économie à l’université Queen Mary de Londres ; Jill-Jênn Vie, chargé de recherche à Inria et chargé d’enseignement à l’École Polytechnique ; Johannes Ziegler, directeur de recherche au CNRS et directeur du Laboratoire de psychologie cognitive d’Aix-Marseille université.